Une fois la nuit tombée, des infirmiers, aides-soignants et médecins prennent leur poste dans les hôpitaux pessacais. En même temps, des ouvriers se relaient à l’usine, des éboueurs, des boulangers démarrent leur journée, des poissonniers se rendent chez leurs grossistes pour pouvoir garnir leurs étals. Chaque nuit, des agents de la police municipale se chargent de faire respecter les règles du code de la route ou bien d’intervenir dans des conflits de voisinage. Alors que la majeure partie des habitants dort à poings fermés et que les 10 000 points lumineux de la ville s’éteignent, Pessac reste toujours bien éveillé.
La pollution lumineuse a également un impact considérable sur la Voie Lactée, qu’elle rend littéralement invisible, pour le plus grand malheur des astronomes. Ils tirent la sonnette d’alarme depuis une vingtaine d’années.
Parmi eux, le Pessacais Guillaume Dupont, astronome amateur. Depuis l’extinction de l’éclairage nocturne à Pessac, ce dernier passe beaucoup de temps dans son jardin, l’œil rivé sur son télescope. L’éclairage public crée un halo lumineux au-dessus des villes, qui empêche toute observation.
C’est un véritable problème pour les astronomes, qui n’arrivent plus à observer le ciel correctement ! L’extinction des lampadaires la nuit réjouit le passionné pessacais qui n’en reviens toujours pas de pouvoir capter, en plein centre-ville, des images de la Lune, de Jupiter, de Mars, de Saturne, de nébuleuses ou de comètes, et de voir passer l’ISS ou les trains de satellites d’Elon Musk !
Omniprésent dans les pays urbanisés, l’éclairage nocturne est régulièrement pointé du doigt pour son coût élevé et son impact négatif sur l’environnement. Depuis 2017, la ville de Pessac prend des mesures pour lutter contre le gaspillage énergétique et la pollution lumineuse.
Afin de réaliser des économies d’énergie et de limiter l’impact de son éclairage sur l’environnement, la Ville a décidé, en juin 2017, de procéder à l’extinction de ce dernier entre 1h et 5h du matin. Période de la nuit à laquelle la circulation est très faible et où les transports en commun ne fonctionnent plus. Cette mesure d’extinction a permis à la Ville de réduire de 54 % sa consommation énergétique, de doubler la durée de vie du matériel et de réinvestir la différence dans de l'éclairage leds. Face à l’augmentation du coût de l’énergie causé par la guerre en Ukraine, la Ville a étendu cette mesure de minuit à 6h du matin en 2022, dans le cadre de son plan sobriété. En mars 2023, elle a adopté le principe d’une recherche de subventions pour le lancement et l’élaboration d’un schéma directeur d’aménagement nocturne sur cinq ans visant à repenser ses éclairages.
Le but n’est plus d’éclairer à tout va les espaces de nuit, mais de diriger utilement les flux lumineux sur des espaces à éclairer, avec seulement l’intensité nécessaire. Ce schéma prévoit notamment d’accélérer le passage des lampadaires en leds, afin de permettre de régler l’intensité de la luminosité et de retrouver un plus grand confort d’éclairage. 80 % des 10 271 points lumineux à Pessac sont en effet à remplacer. Pour cela, une phase de diagnostics (état des lieux et analyse du parc, des usages, du patrimoine et de l’environnement dans lequel s’intègre l’éclairage) a lieu. Ses conclusions seront connues en septembre 2023. Les premiers travaux seront engagés début 2024.
La pollution lumineuse a des effets néfastes sur la faune et la flore. Chez les animaux nocturnes, qui sont extrêmement nombreux puisqu’ils représentent 30 % des vertébrés et 60 % des invertébrés, la pollution lumineuse affecte de nombreux aspects de la vie tels que la migration, la reproduction, l’orientation, la recherche de nourriture, la synthèse hormonale… allant parfois jusqu’à remettre en question leur survie.
La pollution lumineuse est en effet la deuxième cause de disparition des insectes nocturnes et pollinisateurs après les pesticides, chaque point lumineux tuant près de 150 insectes par nuit. D’autres animaux, tels que les oiseaux migrateurs, n’ayant plus accès au ciel étoilé du fait du halo lumineux, perdent une bonne partie de ce qui les guide pendant leur migration. Quant aux lucioles, les signaux lumineux qu’elles s’envoient pour échanger se diluent dans l’environnement éclairé. Du côté des végétaux, qui ont besoin d’un repos nocturne, la lumière artificielle constitue un îlot de chaleur qui altère leur croissance et les expose davantage aux pollutions atmosphériques et aux stress hydriques.