La Cité Castors est la seconde tentative française d’autoconstruction populaire. Dans l’entre-deux guerres, des ouvriers stéphanois avaient en effet tenté de réaliser une cité collective, les Cottages Stéphanois. Mais malgré 600 adhérents, seules 29 habitations furent achevées en 1939. Les Castors bordelais tireront les enseignements de cette expérience pour mettre au point leur propre organisation.
1948 : Recherche et achat d’un terrain (août), siège du bureau du ministre de la Reconstruction pour la reconnaissance de l’Apport-Travail (18 octobre), création du Comité Ouvrier du Logement (21 octobre), débroussaillage du terrain de l’Alouette (24 octobre)
1949 : Début du chantier de construction (mars)
1950 : Les 150 familles emménagent (22 décembre)
1979 : Les sociétaires deviennent propriétaires de leurs maisons
2016 : Obtention du label « Patrimoine du XXe siècle » créé en 1999 par le ministère de la Culture afin de mettre en lumière des réalisations architecturales et urbanistiques considérées comme remarquables.
Surface totale : 12 Hectares
Moyenne d'âge : 30 ans
150 maisons (2modèles) de 80m2 environ, chacune dotée de 500mé de terrain en moyenne
Coût de construction d'une maison : 1million de francs de l'époque (salaire ouvrier moyen : 17000 à 20000 francs par mois).
150 bâtisseurs dont 95 ouvriers, 46 employés, 5 cadres et 4 artisans parmi lesquels 20 professionnels du bâtiment.
En octobre 1948, le Comité ouvrier du logement (C.O.L) est fondé sur la base de statuts-types d’une société coopérative d’HLM.
En l’espace de 10 ans, le C.O.L de Bordeaux réalisera trois programmes de constructions :
L’organisation des Castors girondins fût la référence et le modèle pour les centaines de Cités Castors qui prirent leur essor jusqu’au début des années 70.
C'est grâce à Etienne Damoran, Pierre Merle et José Bérachochéa, idéalistes de la première heure, que la circulaire du 12 août 1951 reconnaît l’apport-travail comme un mode de financement acceptable, permettant à ceux n’ayant pas les moyens d’avoir un apport personnel et de prétendre à la propriété de leur logement. Le travail des bâtisseurs réalisé sur les chantiers a représenté, suivant les cas, entre 15 à 20 % du coût des opérations. Il servait de garantie pour les emprunts contractés auprès des établissements financiers et permettait de bénéficier des aides de l’État et des organismes sociaux tels que les Caisses d’allocations familiales qui joueront un rôle déterminant dans la réussite des Castors. Chaque Castor devait fournir un temps de travail : entre 24 et 32 heures par mois, plus deux semaines prises sur les congés payés (qui étaient alors de trois semaines).
« Pour la première fois, dans une société où l’argent est roi, et où on ne prête qu’aux riches […] l’État français a accepté qu’un emprunt soit garanti, non pas par des biens matériels ou par des capitaux, mais par du travail ! […] C’est la victoire la plus importante de notre mouvement » déclarera Etienne Damoran.
Au cours de l’été 1950, une trentaine de jeunes originaires de dix pays, engagés dans le Service civil volontaire international (SCVI), viennent prêter main forte aux Castors. Leur aide représentera 676 journées, soit 5 408 heures de travail. Fondé en 1919 par le suisse Pierre Cérésole au lendemain des combats fratricides de la Grande-Guerre de 1914-1918, le SCVI invitait les jeunes Européens à se rassembler et à travailler ensemble afin de tisser des liens fraternels et de créer les conditions d’une paix durable en Europe.
Entre 1952 et 1976, sous l’égide du C.O.L, la Cité est gérée par la Coopérative de gestion de la Cité des Castors (C.G.C.C). À partir de 1979, les sociétaires deviennent propriétaires de leur maison. L’Association syndicale Libre des propriétaires de la Cité des Castors de Pessac est créée et prend la relève de la C.G.C.C pour la gestion des parties indivises. Aujourd’hui encore, l’Association syndicale gère collectivement et bénévolement le château d’eau et la distribution de l’eau, le bâtiment communautaire de la Maison des Castors, les espaces verts et le réseau des eaux pluviales.
Chauffage central, évier, douche, WC intérieur, tout-à-l’égout... Pour l’époque, les maisons de la Cité des Castors sont « somptueusement équipées » diront certains. Une machine à laver le linge passe même de maison en maison ! De quoi susciter quelques jalousies, d’autant que la Cité possède, en plus, sa propre coopérative alimentaire, une menuiserie et un château d’eau. Sous la houlette de deux bâtisseurs « architectes-jardiniers », Claude Lambert et Jean-Marie Aniotsbehere, une pépinière est implantée dans la Cité : on y fait pousser les arbres et arbustes qui agrémenteront les rues, places et jardins de cette Cité verte où chacun prend soin de son jardin, des espaces publics et préserve l’héritage des générations futures.Les cèdres bleus, plantés en 1950, ornent toujours magnifiquement la place Charles Dullin. En 1953, une vaste collecte de 800 ouvrages permet d’ouvrir une bibliothèque, qui se transforme le jeudi en garderie. Il y eut aussi un orchestre de jazz, un ciné-club, une troupe des variétés, des services sociaux, sportifs et culturels… pour une entraide et une solidarité sans pareil
Saint-Exupéry, René Payot, Michel Favreau, Pierre Césérole, Mahatma Gandhi, Marie Curie, Ambroise Croizat, Charles Dullin… autant de personnages contemporains qui, dans des domaines variés, sont allés à contre-courant des habitudes, redonnant à l’homme sa vocation de bâtisseur d’une société meilleure.À l’instar des Castors qui les ont choisis afin de nommer les rues de leur Cité, qu’un temps ils ont pensé baptiser « Cité des hommes libres », pour finalement opter pour « Cité des Castors », en référence à ces rongeurs, infatigables bâtisseurs.