Cité Frugès-Le Corbusier : une cité en transition

Depuis 2016, le regard posé sur la Cité et la manière dont on doit la considérer ont évolué. "Désormais, il ne s’agit plus seulement de démontrer que notre ville dispose d’un patrimoine remarquable. Nous nous donnons les moyens de sa protection, de sa conservation et de sa valorisation" explique Isabelle Dulaurens, adjointe au maire déléguée à la Culture. Pour cela, un plan de gestion a été adopté dès 2016. En 2018, une convention quadriennale réunissant Bordeaux Métropole, la Région Nouvelle Aquitaine, la DRAC Nouvelle-Aquitaine et la Ville de Pessac a été signée afin de définir des ambitions communes et de réunir des moyens financiers et humains.

Entre 2018 et 2021, un cycle d’études ambitieuses a été lancé afin de compléter et de parfaire la connaissance scientifique du site, mais aussi d’intégrer de nouvelles problématiques : une étude anthropologique et architecturale pour identifier les nouveaux usages et besoins des habitants, une étude sur l’état du réseau d’assainissement, une étude signalétique et touristique, une étude de diagnostic architectural et paysager pour mettre en place un nouveau schéma directeur de conservation de la Cité, etc.

"Le fait d’avoir réussi à conventionner l’État, la région, la métropole et la commune, de travailler en étroite collaboration avec la Fondation Le Corbusier et d’associer les habitants est véritablement inédit, innovant et exemplaire. Cela nous vaut d’être regardé de près par les autres sites inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l’humanité" se félicite l’élue. Ces études, qui ont permis de poser des bases, vont maintenant laisser la place à des actions concrètes. Divers aménagements sont en effet prévus à l’horizon 2026, année qui marquera le centenaire de l’inauguration des Quartiers modernes Frugès (le 13 juin) et les dix ans de l’inscription au Patrimoine mondial de l’Unesco (le 17 juillet).

Travaux d'assainissement et reprise des voiries

Pour commencer, des travaux d’assainissement visant à la mise en double réseau (eaux pluviales/eaux usagées) viennent d’être réalisés dans le quartier. Les trous ont été rebouchés avec du bitume en attendant d’être rouverts en vue de la reprise des voiries. Réalisées dans les années 90 pour répondre aux usages de l’époque, celles-ci ne correspondent en effet plus aux usages actuels, les habitants souhaitant notamment limiter la circulation à l’intérieur du quartier. Ces voiries ne répondent par ailleurs pas aux dessins de Le Corbusier.

"L’intention est donc de les reprendre, en essayant de réintégrer le dessin de Le Corbusier, qui pourrait d’ailleurs mieux correspondre aux usages actuels, notamment en termes de cheminement doux" explique Cyril Zozor, chef de projet pour la Cité Frugès-Le Corbusier.

Afin de mieux comprendre l’histoire du site, un traitement particulier va en outre permettre de rendre visible toute la partie de la Cité qui a été pensée par Le Corbusier, mais qui n’a pas été construite. Des trottoirs vont ainsi être redessinés et l’implantation d’arbres étudiée, afin d’appréhender la perspective pensée par Le Corbusier et d’imaginer ce qu’aurait pu être la Cité. "Tout cela se fera en concertation avec les usagers, la Ville ayant une volonté forte d’associer les citoyens aux décisions".

Restauration de la maison témoin

Jusque-là seul lieu d’accueil du public, la maison témoin va devenir un véritable objet de médiation. Les visiteurs qui y pénètreront ne visiteront plus seulement une maison Le Corbusier, mais un élément remarquable du site urbanistique patrimonial.

"En 1926, seule une partie de ce qui a été pensé par Le Corbusier a été livré, faute de moyens. Un certain nombre de finitions et des meubles sont par exemple manquants. La maison va être restaurée de manière muséale, afin de révéler la pensée de Le Corbusier et de donner à voir son projet global. Cela permettra de mieux comprendre cette utopie" se réjouit Cyril Zozor.

Pour cela, la maison sera intégrée à un circuit d’interprétation qui partira d’un lieu d’accueil et passera par un jardin. Pendant toute la durée des travaux, qui devraient débuter au second semestre, un circuit sera proposé en extérieur aux visiteurs. Ce dernier partira d’un lieu d’accueil temporaire. "Nous envisageons de reproduire l’un des hangars que Le Corbusier avait installés pendant les travaux de la Cité".

Aménagement des espaces publics et privés

Afin de répondre au besoin de valorisation de la Cité, qui passe notamment par l’accueil des publics, divers aménagements vont être réalisés, parmi lesquels une nouvelle signalétique, un jardin d’interprétation et un nouveau lieu d’accueil.

"Nous ne savons pas encore si nous allons construire un nouveau bâtiment ou investir un bâtiment existant. Quoi qu’il en soit, ce lieu servira de point de départ aux visites, mais aussi à l’accueil des visiteurs dans le cadre d’expositions permanentes et temporaires, d’ateliers, d’animations, etc. Il permettra d’avoir une première approche de la Cité avant d’y pénétrer et constituera un lieu de référence pour les habitants".

En parallèle, la Ville continue de développer des solutions d’accompagnement pour les projets de travaux des habitants, dont les 49 maisons ont besoin d’être entretenues, réparées et restaurées dans le cadre contraint de la protection aux monuments historiques. "Les autorités doivent être en mesure de répondre aux questions techniques des habitants. Pour cela, la DRAC et la Ville se sont unies afin de concevoir un outil de gestion qui servira autant à la conservation qu’à la gestion patrimoniale de la Cité" explique Cyril Zozor.

Photos © D. Le Lann